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IRÈNE ET LES EUNUQUES

le voulut dédier à la Divine Sagesse et à la Mère du Iésous. Le masque représentait la tête de Typhon vaincu. L’eau jaillissait de sa bouche torte par un cri tragique, avant de trouer la transparence de la petite mare fraîche, ronde, assombrie vers le fond verdâtre et caillouteux.

Quatre tortues familières rampaient dans l’herbe sèche. À l’ombre d’un cyprès, le Maître mesurait une sphère de métal entre les pointes d’un compas. Ensuite il traçait sur le sable, au moyen d’une fine baguette, des figures avec des nombres. C’était un homme brun dont les jambes faisaient saillir la toile des hautes bottines agrafées jusqu’aux genoux. Parfois il regardait Irène, en calculant. Mais voulait-elle, par un sourire, le distraire de cette pensée mathématique, il baissait les paupières, brusque, ou levait les yeux vers le ciel que tachait, de roux, le vol circulaire d’un faucon. Alors Irène s’abandonnait aux langueurs de sa mélancolie. Quitter Athènes et ses parents vénérables, ses compagnes flatteuses, son jardin rempli d’insectes lumineux. Oublier la joie de lire, paisiblement, les merveilles consignées dans les volumes ! Vivre en ce palais de Byzance, où tant de meurtres avaient rougi déjà les dalles de marbre, où l’on avait traîné par les cheveux, dans leur sang répandu, des patriciennes et des religieuses innocentes lorsque les séditions s’engouffraient telles qu’un vent d’orage par les rues anguleuses, lorsque les torches s’échevelaient aux poings des incendiaires, lorsque les héré-