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IRÈNE ET LES EUNUQUES

écoutée, la pria de recevoir une fleur de rubis, d’émeraudes incrustés dans une plaque d’argent. Il lui demanda si elle n’épouserait pas volontiers Ifkandiar, prince de l’Iran. Las des orgueils et des plaisirs, ce jeune homme souhaitait l’union avec une femme capable de lui découvrir, en l’aimant, les mystères du monde, car la rudesse et l’austérité des philosophes avaient rebuté de premiers élans vers la Connaissance.

En ce jour du passé, Irène avait soudain compris quelle force l’attachait à son maître Jean Bythométrès, c’est-à-dire Jean Mesureur de l’Abyme. Bien qu’elle essayât de se tromper sur le vrai motif de sa décision, elle déclina les offres persiques, pour ne pas quitter Athènes ni le descendant des Damascides.

D’abord ç’avait été la honte, pour elle, de s’avouer l’amour. Elle se jugeait indigne de son propre destin.

À partir de cette heure, Jean s’était presque écarté comme s’il eût craint de perdre le temps de ses recherches auprès d’une enfant maladive et sotte. À plusieurs reprises, leurs regards, leurs gestes et leurs réticences les avaient tous deux embarrassés. Sans dire une parole révélatrice de leur sentiment, l’un et l’autre l’avaient trahi, elle souffrant de son instinct impérieux, lui fouillant l’âme de sa disciple, avec l’audace muette et coutumière de ses yeux.

Voici que, l’histoire persique étant parvenue à l’oreille de l’Autocrator, des émissaires discrets, prudents, opiniâtres, proposaient un autre mariage encore, et tel que les âmes des filles ambitieuses le rêvaient,