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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/99

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

qui s’était retranché des hommes afin de la mettre au faîte des choses, et de la faire régner sur cette ville immense, sur les galères dont les mâts se hérissaient en une masse par delà les coupoles des édifices et les feuillages taillés des jardins, même sur la flotte marchande éparse à la surface grise et bleue du détroit.

Pourtant, elle souriait, soutenait de ses mains le tableau d’or et d’émail pendu à son col. Deux phœnix affrontés y becquetaient la sphère du monde.

Jean réprima la raillerie de son léger ricanement. Il se leva :

— Nous sommes, tu le sais, par la pensée, la lumière même du Théos, et, par les instincts du corps, l’ombre de la lourde matière. Chacun peut être le reflet blanc du dieu spirituel ou le reflet noir de la matière divine. C’est en nous que se marient le jour et la nuit universels, en nous qu’ils deviennent l’Intelligible. Or qu’estimes-tu être à présent ? Le reflet d’en haut, ou le reflet d’en bas ? Sous quelle apparence le comprends-tu totalement ? Daigne répondre, Maîtresse des Romains, et tu prouveras sans doute la persistance, que je conteste, de ta subtilité ancienne.

Irène hésitait. Ce lui sembla contraire à sa dignité que de subir cette sorte d’examen. Soudain la réminiscence d’une thèse l’aida :

— Avouerai-je que la lumière me semble transformer l’ombre même, si elle est digne du nom de lumière ? L’ombre de mes instincts se dissipe parce qu’ils sont