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fait. Nous respecterons votre glorieuse personne et vous serez libre.

— Je vous suis fort obligé, dit M. Dagrier, et je mets tout de suite à l’épreuve vos excellentes dispositions… Je retourne à Saint-Cloud…

Le général changea de visage.

— Cela, jamais ! fit-il sèchement.


III

Adrienne ouvre les yeux.


— Si j’étais en âge de porter les armes, je comprendrais que vous me reteniez, dit M. Dagrier ; mais j’ai soixante-trois ans… Laissez-moi partir.

— Jamais ! répéta le général allemand.

— Vous prétendiez que j’étais libre…

— Libre d’aller et de venir dans cette maison et même de vous promener à Ostende. J’ai déjà eu l’avantage de vous dire que l’Allemagne honorait les grands hommes… Nous vous donnerons une escorte quand vous irez faire un tour.

— Mais pourquoi ?

— Vous le savez aussi bien que moi. Nous n’avons pas envie de vous voir construire, en France, un autre aurographe. Notre pays possède de droit toutes les inventions nouvelles, puisqu’il marche à la tête de la science et du progrès.

— Mon aurographe aussi !… Ils ont volé mon aurographe ! s’exclama le savant.

— Tenez, le voici, fit le boche au gros ventre en désignant du doigt deux soldats qui avançaient en portant une caisse que le vieillard reconnut du premier coup.

— Ouvrez le coffret, ordonna le général, et mettez l’instrument sur cette table.

Les soldats obéirent. Ils enlevèrent, de plus, la toile verte qui recouvrait l’appareil. Celui-ci consistait en un bâti de gutta-percha supportant quatre flacons d’égale grandeur emplis de liquides différents ; ces flacons supportaient eux-mêmes un cadran horizontal, gradué comme une boussole et muni d’une aiguille à pivot. Des rouages de cuivre et de platine montraient leurs cannelures entre le bâti et le cadran.

M. Dagrier, qui suivait avec beaucoup d’attention les mouvements des boches, cessa de plisser le front dès qu’ils eurent ôté la toile, et son visage se rasséréna.

— Vous avez de l’or sur vous ? fit le général en constatant que la pointe de l’aiguille était tournée vers le vieillard.

— Des billets de banque seulement, répondit M. Dagrier.

— Peut-être votre appareil est-il sensible aussi aux billets de banque… Donnez !

Le savant tira son portefeuille, l’ouvrit, mais ne découvrit point les billets qu’il y avait mis.

Hermann Wachter, en effet, avait pratiqué la fouille du prisonnier avant de l’enfermer dans la malle ouatée.

— Je les retrouverai sans aurographe, grogna le général. En attendant, voyons de quelle manière se comporte votre machine.

L’Allemand prit dans son gousset une montre en or et la déposa à droite, sur une cheminée. L’aiguille de l’aurographe demeura immobile.

— Votre montre est en toc, sourit M. Dagrier qui recouvrait non seulement son sang-froid mais encore sa bonne humeur.

— Impossible ! dit le boche. Je l’ai prélevée à titre d’amende chez un horloger de Bruxelles et j’ai puisé au rayon des objets les plus chers. Votre appareil ne fonctionne que dans certaines conditions.

— Vous êtes plus inteiigent que vous n’en avez l’air, articula le savant.

— N’est-ce pas ? fit le Teuton qui n’entendait pas l’ironie, même la moins voilée. Alors, vous allez me donner la clef du système.

— Rien que ça ? Vous n’êtes pas dégoûté, vous !

— Vous me la donnerez, poursuivit le général, pour répondre à ma courtoisie par un acte d’amabilité.