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carte. Sa sympathie va ouvertement à Hermann Wachter.

— Que devient-il ? demanda Jean.

— Il est soldat… Je ne sais où ni dans quel régiment.

Cora Schlembung revenait et les jeunes gens cessèrent de converser.

— Rien, dit-elle, pas de nouvelles.

Jean était navré et angoissé. Il revint à Saint-Cloud et trouva Crincrin qui brandissait un mouchoir.

— Que faites-vous ? interrogea le permissionnaire.

— J’ai trouvé ça dans le jardin, répondit le domestique. Je jurerais que ce n’est pas à nous.

Jean s’empara du carré d’étoffe et vit deux initiales brodées : H. W.

— Hermann Wachter ! s’écria-t-il. L’Alsacien est-il venu ces jours-ci ?

— Connais pas d’Alsacien, répondit Crincrin ; et une dame est venue il y a deux jours ; elle a pris le thé… Mme Schlembung.

Jean rapprocha ce fait de ce que lui avait dit Adrienne, et un commencement de lueur se fit dans son esprit.

Mme Schlembung joue je ne sais quelle comédie, se dit-il. Il faut que je la voie encore !

Il reprit, dans l’après-midi, le chemin de la rue de Rome. Comme il montait à l’entre-sol, la concierge de l’immeuble habité par l’Allemande l’arrêta.

Mme Schlembung et sa nièce sont parties pour un long voyage, déclara-t-elle.

Cette fois, Jean ne douta plus que son père n’eût été victime de quelque machination ténébreuse. Il fit part de la découverte du mouchoir à la police, qui se lança sur les traces d’Hermann Wachter. Celui-ci demeura introuvable. En revanche, l’enquête démontra qu’Hermann n’était pas Alsacien.

— Un boche ! j’aurais dû le deviner plus tôt ! gronda Jean.

Ainsi, son père était entouré de traîtres, et ces traîtres avaient attaqué le vieillard ! Peut-être l’avaient-ils tué ! Jean, accablé de peine et enfiévré de colère, marchait au hasard dans les rues de Paris et cherchait à s’orienter dans le dédale mystérieux des conjonctures quand, arrivé à la hauteur d’un kiosque à journaux, ses yeux tombèrent sur cette manchette :

« DÉCOUVERTE ÉTRANGE »


II

Étrange découverte.


Jean cherchait son père, et voici que tout à coup il voyait flamboyer le nom d’un journal et cette manchette en gros caractères : DÉCOUVERTE ÉTRANGE.

Il acheta la feuille, la déploya fiévreusement, passant la revue rapide des colonnes et des titres. Son regard ne tarda pas à s’arrêter sur les lignes suivantes :

— Quels sont ces hommes ? — Les Mystères du Pacifique. — Nouvelle race ? — Des gueux richissimes.

Jean éprouva une déception, puisqu’il ne s’agissait point là du savant disparu. Il lut cependant :

« New-York (corresp. part.) — Les matelots du steamer « Orody », arrivé hier à San-Francisco rapportent qu’au cours de leur traversée de Melbourne à Los Angelos, ils rencontrèrent en plein Pacifique, à la hauteur des île Marquises, une pirogue de forme bizarre qui scintillait au soleil. Elle était montée par deux hommes littéralement exténués que le capitaine du steamer recueillit à son bord. Ces hommes, qui avaient le teint bleu et les cheveux tombants, ne parlaient aucun langage connu. Ils étaient vêtus de robes flottantes faites de tissus d’or et de soie. Ces faméliques, habillés plus richement que des rois, refusèrent les mets qui leur furent présentés et ne répondirent aux questions que par des gestes désordonnés accompagnés d’exclamation gutturales. Ils burent de l’eau à longs trait, puis une folie subite s’empara d’eux, car ils enjambèrent le bas-