de fouet, aux cris du postillon rouge, entre les abois des chiens. Et celui où nos corps se touchèrent pour la première fois en un seul frisson délicieux qui supprima tout l’univers, hormis notre désir d’être un seul soupir en deux bouches éperdues !… Avec le caprice de ce passant, j’ai revécu l’amour de mon époux adoré que j’ai tant attendu sur les ruines affreuses de cette ville maudite. Hélas ! bientôt Aimery et le hussard de la Polonaise durent rejoindre l’armée sur les bords de la Moskova.
« Depuis ce temps, les chemins furent infestés de traînards, de déserteurs, de soldats égarés et pillards, des Allemands surtout, qui s’étaient établis dans les châteaux, dans les villages de bois, et qui volaient tout sous prétexte de réquisitions. Maintes fois ils prétendirent nous prendre nos montures. Le gouverneur de Smolensk dut nous offrir une escorte de six Irlandais qui n’avaient pu rejoindre leur régiment. Ces braves garçons ne savaient pas un mot de français ; mais, pour honorer leur uniforme vert, ils faisaient le coup de feu dès qu’un homme s’approchait de nous. Un soir, ils furent assaillis par toute une bande de Wurtembergeois, que commandait un sergent gascon. Je l’ai reconnu à ses cadédis !… Nous eûmes juste le temps de fuir au galop… On ne revit plus les Irlandais à Smolensk, et force nous fut dès lors de rester dans la ville. Aussi bien, ne paraissait-elle guère plus sûre que la grande route. Des détachements de fuyards, appartenant à tous les corps, arrivaient sans cesse. À coups de baïonnette et de sabre, ils se battaient devant la porte des magasins militaires, où l’intendance leur distribuait de la farine d’avoine ; puis ils bivouaquaient, contre les murs des maisons incendiées, parmi les ruines.
« Il y en avait de toutes les nations : des Espagnols capturés à Somo-Sierra et enrôlés plus tard dans la Grande Armée ; des Allemands de Wrède, qui avaient