Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/123

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et la tante Caroline s’expliquaient du vieillard. Sans paraître laisser le livre d’images, ni son troupeau de bois, il écoutait. Malheureusement, les dames parlaient trop vite.

L’opération était, pour lui, lente et difficile qui tâchait de fournir leur sens aux mots entendus, et surtout leur pensée juste aux phrases. De même qu’il méditait sans réussir à exprimer sa méditation, de même les discours des grandes personnes lui suggéraient mal très peu de choses. Il se méfia de ses interrogations auxquelles il lui parut qu’on répondait par des mensonges moqueurs. À la mine des gens, il devinait fort bien qu’ils leurraient son innocence. Plus il avançait dans la vie, moins il questionna, car toute une catégorie de préoccupations relatives à l’argent, aux amis, à la parenté, à sa sœur Denise, lui était soigneusement interdite par la raillerie sournoise des siens. Néanmoins, il apprit que le bisaïeul possédait la fortune de la maison et qu’il la lui transmettrait un jour, à condition d’étudier. Le souvenir de telles paroles retenues bien qu’on eût cru les prononcer hors de son attention, lui était une preuve agréable de sa malice. Aussi devint-il expert dans l’art d’écouter tout, sans éveiller la prudence de ceux qui le contemplaient alors chevauchant le coursier de bois à bascule. Des propos, même obscurs, il ne perdait rien.

Il les ressassait en soi, les comparait à d’autres, finissait par entrevoir leur signification, au bout de quelques semaines ou de quelques mois. Une fois l’idée conquise, et en réserve, il oubliait rapidement les phrases et même les circonstances de leur apparition. Par là ses assurances augmentèrent. Il acquit des sentiments à l’égard de chacun.

Vers ce temps-là, Omer Héricourt s’aperçut que sa mère, sa tante Caroline lui demeuraient lointaines, imprécises et caressantes, grondeuses un peu. C’était