Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/127

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gne… Allons, petit, ouvre ce volume de l’Ancien Testament… et parlons de Moïse qui connut la lumière divine…

C’était encore un petit enfant comme les autres héros, un petit enfant sauvé des eaux par la fille du Pharaon, à l’heure du bain. Cette parité d’âge entre eux prévenait Omer favorablement. Il était tout oreilles pour écouter la merveilleuse histoire. Dix fois l’ancêtre recommençait l’explication. Sa large face ravinée, touffue de sourcils blancs et noirs, excavée autour des yeux profonds et si vivants parmi les fines loques des paupières, semblait alors le plan même du pays d’Israël. Dans les creux de ses rides, que de pasteurs avaient dû pousser leurs moutons gris, comme les bergers de Lorraine dans les chemins encaissés du voisinage !… il disait aussi les légendes des pays étranges dessinés sur les pages des albums, où les dieux avaient quatre têtes sereines, et quatre mains qui tenaient des emblèmes. Indéfiniment, l’ancêtre tournait d’autres feuilles, nommait tous les héros et tous les fondateurs, celui qui déroba le feu du ciel, et celui qui dressa les premières cités en assemblant les chasseurs aux sons de sa lyre.

Dès le printemps du parc, Omer fut un jeune Brahma ravi de sa création. Son haleine attirait les fleurs sur les rameaux encore nus du cerisier ; son regard faisait éclore les parfums des violettes parmi le gazon. De sa bouche heureuse s’était envolée, sans doute, la fauvette grise qui fendait l’air. Chacun de ses pas ressuscitait le perce-neige et les renoncules. L’enfant se dérobait à la raison, quand elle dénonçait l’erreur du rêve :

― Céline ! C’est moi qui appelle au bout de la branche les clochettes du lilas. Tu vois ?… j’ai dit : « sois un lilas, » et j’ai soufflé. Et voici.

― Vraiment ? ― répondait la bonne Céline en levant ses mains dévotes. ― Ah ! Vraiment !