Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/143

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fusiller les moins valides, ceux qui ne pouvaient plus marcher, pour mettre dans les voitures leurs propres malades… Au moment du danger, Edme, à tout hasard, fit notre signe maçonnique de détresse. Les barbares l’ont compris, et ils l’ont épargné…

le bisaïeul, radieux, vantait l’excellence de l’illuminisme, aspirait à convaincre Virginie et Caroline heureuses. Des larmes mouillèrent les yeux. Quel homme était ce vieillard qui arrêtait le bras des guerriers à une telle distance et dans un pareil temps ! Omer le révéra plus. Il lui parut que sa vie entière appartenait au magicien généreux, parfois sévère et brusque, mais bienveillant malgré ces colères qui multipliaient les lueurs de ses regards. Lorsque l’enfant tomba malade, il attendit de lui sa guérison, et fut étonné de sentir brûler encore ses joues, après la première visite du parrain dans sa chambre.

Les chariots qui partaient avec les blés de Lorraine vers les bateaux du Rhin ébranlèrent la tête douloureuse du petit fiévreux pendant que l’automne roussissait les feuilles, que s’épanchaient les pluies au long des journées interminables. Omer Héricourt souffrit de la soif dans son lit. Des rougeurs ponctuaient ses membres moites. Céline remplissait de tisane les bols. Même dans la timbale de la tante, la magnésie répugnait. Aucun julep n’amollissait les peaux rêches de la bouche. Médor et Minos bâillaient dans la chambre en s’étirant. Maman Virginie cousait, silencieuse ; elle s’égaya le jour qu’il se put lever.

Un matin de convalescence, sur le perron du château, il encourageait les chiens de chasse à se battre dans la cour d’honneur. La tante et la mère étaient à la messe, Céline tricotait debout. La boule de laine dégringola de la poche du tablier bleu. Le sable assourdit le trot d’un attelage. Derrière deux chevaux trempés de sueur, une chaise de poste parut, arriva, tourna. À la portière ce