Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/166

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grouillant sous les folioles de mai suspendues comme mille points d’or vert aux arbres du boulevard. Derrière les rangs de la garde nationale, alignée entre les bornes protectrices des piétons, s’accroissait une affluence énorme de bourgeois bottés à neuf. Ils donnaient le bras à leurs femmes toutes fraîches sous les chapeaux de pâques, hautes formes de mousseline que fronçaient des rubans clairs. Les façades encaissaient le cours de la multitude pimpante et tumultueuse, le remous des épaules innombrables, et le ruissellement continu des voix. De l’autre côté du boulevard, presque en face, il y avait des gamins juchés sur le tonneau de la ravaudeuse, sur l’échoppe du savetier, sur les socles de la porte saint-Denis offrant les dieux de ses reliefs à la lumière pure du printemps. Et, l’une après l’autre, s’élevaient les strophes des vendeurs de brochures. ― holà ! Qui veut lire l’histoire invraisemblable mais véridique du nabot Paré, lequel dévora cinq millions d’hommes et quinze milliards d’impôts !… holà !… qui veut lire ?… une autre psalmodiait : ― c’est le sénatus-consulte proclamant la déchéance absolue et définitive de Napoléoné Buonaparte, pour avoir : primo, établi des taxes autrement qu’en vertu de la loi, contre la teneur de son serment ; secundo, fait supprimer comme criminels les rapports du corps législatif ; tertio, entrepris une suite de guerres en violation de l’article 30 de l’acte des constitutions de frimaire ; enfin, avoir violé de toutes manières les lois constitutionnelles ; détruit l’indépendance des corps judiciaires ; soumis à la censure arbitraire de sa police la liberté de la presse, droit essentiel de la nation ; altéré les actes et rapports du sénat ; abandonné les blessés sans pansements, secours, ni subsistances ; ruiné les villes ; dépeuplé les campagnes ; suscité la famine et les maladies conta-gi-eu-ses !… deux liards seulement, le