Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/176

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n’osait descendre. Il soufflait. Narquois, les commis du marchand se plantèrent au seuil de la boutique. En ce moment, quelqu’un nouait au balcon d’un troisième étage, une vaste pancarte où était inscrit le mot VIVE. À la fenêtre voisine du même rang s’appliquait ensuite le mot LE. Tous les regards se dirigèrent vers cet appartement ; et une clameur d’approbation émut le champ des visages. Enfin le mot ROI fut attaché sous la dernière croisée de la maison : les applaudissements prirent essor. Au sommet d’une échelle double, se posait, bras nus, épaules nues, coiffée à la chinoise et le chapeau de paille pendu au coude, une svelte femme vêtue de rose vif, qui lançait les blancheurs de son écharpe et les faisait habilement onduler au zéphyr : on l’acclama. Sous la voûte de la porte Saint-Denis, une gigantesque couronne dorée oscillait lentement, au bout de guirlandes en fleurs et en feuillages.

― A va tomber ! nargua le cri d’un maçon.

― Déjà ! Oh ! Oh ! Répondit là-bas une voix farceuse.

Sur la chaussée remplie d’hommes en vestes et en casquettes molles, un ricanement courut :

― V’là la couronne de Cotillon qui bronche ! ― Oh ! oh ! oh ! oh !…

Et des rires se propagèrent, sillages étroits dans la foule muette qui, de Popincourt comme de Bonne-Nouvelle, descendait par vagues noires, grises et blanches, au vallon Saint-Denis. Des abbés en bande ripostèrent, ôtant leurs tricornes :

― Vive le roi ! Plus de conscription !

Et la multitude reprit :

― Plus de conscription ! ― À bas le tyran ! ― Vivent les Bourbons !

Dans l’appartement, les causeurs jugeaient.

― Ils renient leur gloire ! Dit un officier en civil.

― Parbleu ! Ils se sont fait mal en jouant à la guerre. Ça saigne trop.