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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/19

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plongèrent. Un cri et une fureur l’en tirèrent. Debout, secoué, ruisselant, il craignit tous les hasards. La douleur grandit vite en lui, l’étrangla. Elle s’enfuit de sa gorge en sanglots précipités. Le soleil, les arbres, les eaux, Céline et le soldat tremblèrent par delà l’éclosion des larmes.

On le bousculait. On l’essuyait. On se lamentait.

Pris à bras, emporté, Omer vainement en appela aux pigeons du ciel. Les cimes des arbres se balancèrent. Les cerf-volants planèrent. Les façades de maisons demeuraient impassibles. Rien ne le consolait de l’injustice. Rien ne le vengerait d’un canard féroce. Les fillettes continuaient leur ronde, comme si l’enfant n’eut pas été abominablement noyé par la malice du monstre. Elles chantaient même. Musique enfuie de l’orgue, l’Empereur montait toujours dans les lumières radieuses. Tout se moquait du pauvre vaincu. Et la rustaude en outre l’accablait de menaces injurieuses. Elle le frotta brutalement avec les durs plis d’un mouchoir. Elle râclait la peau. Il sentit le sang brûler dans ses paupières, dans ses joues salées par les pleurs, et dans ses oreilles.

À la maison seulement, il trouva des larmes égales aux siennes. Maman Virginie le serra fort contre son cœur. Elle ne le grondait point. Elle répétait :

― Tu ne sais pas ? Tu ne verras plus ton père jamais… jamais… mon pauvre petit, jamais, tu ne le verras plus. Oh ! je t’aimerai va… oui, je t’aimerai comme je l’aime…

Et puis elle enfouit sa tête en sanglots dans la petite robe de nankin souillé. La tante Aurélie, toute maigre, se mordait cruellement un poing, les yeux terribles et fixes. Omer eut peur davantage. Pourquoi donc maman Virginie le baignait-elle de grosses larmes tièdes ; pourquoi tante Aurélie se mangeait-elle la main, en regardant les vitres ? Le canard les avait-il noyées aussi. Le dos de