Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naturelle à subir les tyrannies de la volonté. Aux récréations, il exigeait des jeux violents, relevait un pan de sa soutane, courait, en dépit de ses quarante ans, aussi fort qu’Émile lui-même, le champion des barres. En aucun cas il ne pardonnait, ni ne remettait une punition.

― Il est déshonorant pour un homme d’implorer la miséricorde d’un homme, et pour un chrétien de prétendre éviter les châtiments de la Providence. Veuillez vous mettre en état, monsieur d’expier courageusement votre faute !

Ce fut par la terreur d’abord que cet homme domina l’esprit d’Omer et le munit d’impressions durables. L’enfant s’étonna de cette puissance contre quoi les autres jésuites et le supérieur lui-même étaient certainement dépourvus de toute force. Aux visites de l’évêque ou du Provincial, le Père Corbinon ne modifiait en rien la teneur de son cours. Insoucieux des erreurs grossières qu’il relevait, la mine sereine, il interrogeait, devant eux, l’élève faible. Ces potentats le prièrent respectueusement eux-mêmes de s’adresser à de meilleures mémoires. Lui semblait avoir le dédain de leur jugement, alors que tous les autres Pères s’enfiévraient pour les séduire en faisant valoir la récitation des disciples hors ligne, ou leurs brillantes méthodes pédagogiques. Cette indépendance singulière, point affectée, certaine, parut au jeune Omer un exemple de vie. Quelle ruse maîtresse cachait cette apparence ? D’après l’avis général, le père Corbinon gouvernait le collège. Aux vacances, il faisait quelques longs voyages. De Rome, de Vienne, de Madrid il rapportait des souvenirs qu’il racontait pendant les repas, au réfectoire, tout en mangeant avec gloutonnerie, fût-ce la soupe aux lentilles, le hareng au beurre et les haricots des mercredis, vendredis et samedis, jours maigres.

Omer s’expliquait mal qu’il méprisât les délicatesses