Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/220

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partie de son palais voisine du Temple. Leurs immenses richesses achetaient toutes les protections. Ils possédaient l’ascendant du génie et de la science sur des barons vaillants et pieux, mais trop simples d’esprit… Je veux tout vous dire ; vous allez avoir quatorze ans, vous devenez homme… Mais je vous rends responsable… Tremblez de soutenir encore une si grande erreur. M’entendez-vous ?

― Oui, mon Père ! ― accepta l’enfant, moins étonné que curieux.

― Sachez-le donc. L’ordre du Temple fut affilié à la secte des Assassins, des Haschischins, à la ligue des Manichéens et des Ismaïliens, ces schismatiques musulmans qui niaient le caractère admis de Mahomet. Joignant les plus monstrueuses imaginations de chrétiens pervertis et de mahométans infidèles, les Haschischins finirent par repousser toute révélation et toute prophétie ; ils n’acceptèrent plus que les orgueilleuses maximes des philosophies athées. Je vous ai déjà parlé de leur chef le plus célèbre, le Vieux de la Montagne, de ses forteresses plantées aux cimes de la Perse et de la Syrie, des jardins merveilleux, des palais magnifiques où les adeptes s’enivraient avec l’essence de chanvre… Cela donne des rêves de splendeur et de volupté… si beaux, qu’on dédaigne ensuite, par comparaison, la vie… Pour goûter encore ces félicités sataniques, les Assassins bravaient tous les périls. Trois siècles durant, l’Arabe ne put les déloger de leurs châteaux. Ils furent donc les plus redoutables ennemis du Croissant. Aussi les chrétiens de Jérusalem s’allièrent secrètement avec eux. Mais ils se corrompirent à leur contact. Eux-mêmes devinrent des Haschischins semblables à ceux qui, du haut des tours d’Alamoun, au signe du chef, se précipitaient dans le vide, certains de gagner immédiatement le paradis du haschish, ce suicide fût-il ordonné pour simplement prouver au visiteur la disci-