Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/233

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de votre parrain vous l’apprirent… Les idées sont très vieilles, elles ont habité tous les sanctuaires ; elles ont brillé dans les feux de tous les autels… C’est une collection classée, connue, dans laquelle tel ou tel charlatan va quérir le nécessaire de sa parade pour donner aux foules niaises l’illusion d’une vérité nouvelle… Un médiocre ne peut-il faire aussi bien ce choix ? Aisément. Et on le nommera génie. Car la puissance des idées réside dans leur emploi. Et le médiocre digne de soi les sait employer, plutôt que le maniaque certain de découvrir à neuf la loque abandonnée par les siècles de jadis au ruisseau de l’histoire… Loin de jouir d’une seule qualité monstrueuse, qui étouffe les autres, le médiocre les possède toutes modérées, mais les équilibre, et, par là, procure mille raisons de sympathie : les individus divers aiment en lui chacune de leurs espérances, pareille à chacune des siennes. Qui veut commander, régir, dominer, ne le peut que s’il est lui-même dans l’état spirituel des esclaves, des serfs, des sujets, du vulgaire enfin… N’enviez pas, mon fils, les qualités sublimes. C’est, pour l’ambition, une besogne inutile. Dans un pauvre d’esprit il y a plus de chances de pouvoir réel que dans toute la science, incompréhensible et humiliante pour les foules, haïe d’elles. Un général charme les multitudes parce qu’elles pensent que les batailles se gagnent à coups de sabre, à la force du poing, par la vertu d’une vigueur que possèdent le tâcheron et le charretier. Quand ceux de la plèbe auront appris que la stratégie est une science pareille à la mathématique, ce jour-là, le prestige du conquérant cessera vite ; le maréchal sera méprisé des peuples aussi bien que le savant. Donc, ne regrettez pas, mon fils, d’être semblable au vulgaire. Cela que vous dédaignez, en vous, mènera peut-être vos rêveries à la réalisation… Et voici : votre goût même pour l’histoire, ce goût qui vous donne la première place entre vos condisciples,