Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/247

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Le jardin riche en délices des Haschischins, il alla le chercher sous la conduite de l’oncle dans un village écarté de la grand’route. Là se dressait une petite maison blanche. Ses contrevents verts eussent séduit Jean-Jacques, assurait le capitaine. Des tilleuls pâles ombrageaient les murs et les fenêtres, voilées à l’intérieur par des stores de nansouk à ganse rouge. Deux femmes, Corinne et Herminie, les reçurent dans la salle meublée d’une commode roide en acajou, d’un canapé et de chaises de paille, d’un sofa bleu, d’une gravure très large où, conduit par Antigone, Œdipe allait vers un paysage lugubre. Devant la porte ouverte, les jacinthes et les géraniums du jardin paradaient en tons éclatants. Corinne, Herminie étaient la veuve et la fille d’un lieutenant de la garde impériale tué à Waterloo. Pieuses envers ce souvenir, elles ne refusaient pas un bon accueil aux braves de la Grande Armée ni à leurs amis. La fille de seize ans se plut aux galanteries de l’oncle. Omer préférait les charmes de la veuve qui chantait, s’accompagnant avec grâce sur la guitare, les rimes de Béranger :


Cent jours passés, un Anglais sous sa voile
Voit, tout sanglant, tomber l’aigle abattu.
Le doigt de Dieu vient d’éteindre une étoile ;
N’espère enfin, peuple, qu’en ta vertu.
L’étoile meurt, l’aigle tombe abattu.


Oh ! La douleur qu’elle exprima tragiquement ! Elle prolongeait le son des u, les yeux au ciel. L’âme d’Omer comprit alors toute la magnificence du rêve impérialiste. Les colères héroïques du dragon vibraient en lui avec le son des cordes mélodieuses. Ensuite on causait. La jeune fille demanda ce qu’enseignaient les Pères au collège et si le jeune homme se confessait fréquemment. Le capitaine se moqua des rites. Exclu