Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/28

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Contre les jupes il se colla mieux ; il risquait à peine un œil pour reconnaître le succès d’un couple travesti. La servante montrait et discourait. À sa gauche, l’homme portait l’habit de l’ancien temps, dit-elle, la culotte et l’épée de cour ; à sa droite, le spencer actuel de drap vert, le demi-pantalon jusqu’au mollet, la botte à cœur et la canne du muscadin.

― Ravise : d’un côté l’homme est vêtu comme bon papa Lyrisse ; et, de l’autre comme ton oncle Augustin !

De même, la femme offrait, à droite, sa coiffure poudrée, mais taillée à la Titus, sur l’autre tempe ; une épaule couverte du fichu à la Marie-Antoinette ; une épaule nue sous la gaze ; une robe mi-partie sombre à l’ancienne mode, mi-partie blanche à la mode nouvelle. Autour la foule s’égayait, approuvait. À droite le couple saluait. À gauche il amplifiait des révérences et des courbettes. Céline fit concevoir qu’ils ressuscitaient les grands-pères et les grand’mères, d’un côté ; et de l’autre, les oncles et les tantes ; un siècle passé, une époque nouvelle.

Ce fut encore une idée troublante. Avant cela, tout paraissait vivre aujourd’hui. Quand on parlait de jadis, Omer logeait cette date à l’heure précédente. Voici que le temps se prolongeait indéfini, dans l’obscur des choses ignorées. Il écarquilla les yeux, triste de toucher partout l’inconnu, qu’éclaircit peu, malgré la démonstration de Céline, la bruyante parade menée par l’écuyer d’un cheval en carton et à housse longue. L’homme émergeait depuis la taille, hors de la selle pourvue de jambes fausses. Il riait, dansait, distribuait des coups de son tricorne, criait : « Place ! place ! à Monsieur De Coblenz !… » Mille injures l’assaillaient. Un soldat tirait la queue de la perruque à marteaux. La picarde parlait de princes en exil.

Ensuite on se précipita sous les platanes ; on escalada les bornes qui protégeaient des voitures la foule. Des