Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/299

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sentait une inconvenance à se laisser chérir par des enfants pures. Il avait eu peur que la caresse naïve et confiante ne vint à l’émouvoir, ou que cette cousine de huit ans ne prît une habitude plus tard dangereuse. Les cheveux soyeux de l’enfant ne différaient point assez de ceux où se flairent les odeurs qui enivrent d’amour. La semaine suivante, dès qu’on sut le major et le capitaine en sûreté sur la côte anglaise, et, par les gazettes, les noms des demi-soldes compromis dans l’affaire du bazar français, sans que les leurs en fissent partie, Omer Héricourt médita plus sereinement à propos d’Elvire. Elle le recherchait pour ses jeux, fière de lui, grand et vigoureux, qui montait à cheval, dans la prairie close, car la tante ne permettait point de promenades solitaires, par appréhensions des chutes et des aventures. Afin de le rejoindre, au bout des vergers, la fillette courait à toutes forces. Elle l’appelait : " cousin !… cousin !… " d’une voix grave et désolée, si elle ne l’apercevait point d’abord. Le reconnaissant, elle bondissait, les genoux en l’air, comme une petite génisse, l’atteignait, se jetait dans ses mains, rieuse et brèche-dents. Si franchement elle l’admirait pour ses prouesses de gymnaste, qu’il n’avait pas le courage de la fuir. De plus, il s’amusait de tenir la menotte en sa main fraternelle, de voir l’enfant marcher sage et soucieuse d’obéir, inquiète aussi de sa parole. Qu’il se mit à sourire, elle sautait, devenait un diablotin pétulant et criard. Elle épouvantait les fauvettes du buisson. Elle escaladait les monticules. Elle imitait le braiement de l’âne. Elle tirait la langue à la vieille chargée de fagots, fée méchante, certes, qui change les princes en hiboux. La broderie à dents de la collerette se froissait et tournait à rebours de la figure. Tandis qu’Omer la remettait en place, l’odeur fine des cheveux blonds lui rendait à nouveau trop de souvenirs. Alors, il prévoyait