Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/301

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sives de la tante Malvina et la mine éplorée de la tante Aurélie. Sur l’une et sur l’autre, elle savait mille historiettes piquantes, celles mêmes entendues dans les salons, pendant qu’elle feignait de l’application à tourner les feuilles des albums. Elle ne restait petite fille que durant les jeux. Ensuite, c’était une manière de personne toute faite, experte en élégances, parlant nansouk, cachemire, velours plein, mousseline, levantine, percaline et organdi, n’ignorant pas les divisions de la terre en cinq parties, sachant même l’appétit monstrueux du roi qui mangeait douze côtelettes à déjeuner.

Elle se consolait de partir pour le couvent d’Esquermes à la rentrée, avec Denise et Delphine, parce que c’était « le bon genre » de recevoir l’éducation chez les Dominicaines, en compagnie de jeunes personnes « nées ». Ainsi donnait-elle le change sur son âge, par la malice de sa conversation.

Avant un dîner de famille qu’offrit la tante Caroline, à l’occasion d’une chasse, et où par hasard assistait un parent, fort blanchi aux tempes, sec et silencieux, tout rasé, droit dans un frac d’uniforme, l’épée le long de ses mollets étiques, comme chaque invité avait offert le bras à une dame, Omer conduisait à table une toute jeune cousine des Cavrois, Elvire éclata tout à coup en sanglots. La bonne galloise l’emporta criante, trépignante, étranglée.

Cela le flatta beaucoup, bien qu’il approuvât la sévérité de Mme Gresloup, indignée de l’incartade.

Les jours suivants, Elvire bouda. Il fallut qu’il lui apportât une boîte de perles multicolores et les enfilât avec elle pour obtenir le pardon. Certainement, elle était jalouse ; elle l’aimait donc, sans le savoir. Ce lui mit au cœur une joie vive, à demi causée par le comique de cette passion enfantine, à demi par l’orgueil d’être choisi. Et, décidément, elle était une bien drôle de fri-