Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/324

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puisse advenir dès lors à G… est d’aller croupir, deux ou trois années, dans une forteresse de Moravie, à moins qu’on ne l’ait déjà fusillé à Turin.

« Par conséquent, il ne me reste que toi seul. Tu es jeune, très jeune : je sens qu’il serait peu délicat de te faire accepter, à cet âge, un tel devoir. Aussi je ne t’impose rien. Je t’avertis seulement d’une vérité. Agis dans la suite selon ta fantaisie. J’exige que mon aveu et ma requête ne t’engagent point. J’espère avoir fait de toi une façon d’homme libre. Agis en cette qualité.

« Je te dois des explications. Les voici. Quand nous arrivâmes, au commencement de l’année, à Naples, G… et moi, nous répondions à l’appel des étudiants de Paris venus en cet exil soutenir la cause de la constitution libérale que menaçaient les tyrans, au congrès de Troppau. Nous fûmes admirablement traités chez le général Pepe : je l’avais connu pendant la campagne de Russie, à l’armée de Napoléon. Vers cette époque, il avait été reçu philadelphe de notre loge régimentaire. Dans ses salons, je rencontrai Graziella Moreno, fille d’un maître élu des carbonari. Chacun me fit un bel accueil. Pour elle, c’était une jeune fille qu’étonnait comme un conte de la mère l’oie, le récit de mes campagnes et de mes aventures. Elle me remercia chaudement parce qu’en juillet dernier, après mon voyage en Espagne avec les cavaliers de Mina, j’étais venu affranchir ses compatriotes du joug absolutiste, soumettre le roi de plâtre. Elle parut m’adorer. Je te dirai que j’y allai… à la dragonne, selon mon habitude, et qu’à la première occasion, malgré les cris de sa bouche et les pleurs de ses grands yeux de jais, je me fis l’amant de cette belle aux bras d’albâtre.

« Notre liaison fut mystérieuse et passionnée, tout un mois durant. Je m’aperçus alors combien Graziella valait mieux que mon caprice, combien elle m’aimait