Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Et imite-la, surtout, quand tu seras grand ! Ajouta l’oncle Edme que grand-père Lyrisse promenait à travers les salons. Il le tenait par le col, en disant à tous :

― Voilà mon gredin de fils revenu d’Allemagne… A-t-il assez belle mine !… Croyez-vous ? Il repart pour l’Espagne ; il se rend à franc étrier auprès de Masséna… Je n’aurai pas gardé longtemps auprès de moi mes deux enfants, Edme et Virginie. Ah ! Pas longtemps… La gloire m’enlève celui-ci ; et quant à ma pauvre Virginie, elle veut aller vivre dans notre château de Lorraine, chez mon père, avec son tourment. Enfin !… elle a son petit pour la consoler !

Et ce fut alors l’inoubliable triomphe pour Omer, que ce monde de fées et de capitaines entourait. Même l’oncle Edme l’embrassa très fort, comme s’il partait déjà pour la guerre. La splendide femme de l’oncle Augustin lui caressa les joues.

Et pour la remercier, Omer tendit vers elle ses petits bras.

― Ô mon petit, mon petit-fils !… Veux-tu bien être mon fils à moi, un peu, dis ? Maman Virginie et moi nous sommes tes deux mères, tu sais ?

Il réfléchit, pendant que de bonnes paroles le dorlotaient. Sa mère vivait en deuil, triste et morose, toujours priante, amie d’un Jésus trop grave et trop puissant pour les petits. Le père demeurait au ciel. Il était mort, le grand dragon qu’autrefois l’enfant avait vu, dont il avait touché le plastron rouge, le casque luisant et froid, le sabre immense, les bottes lourdes. La sœur grandissait là, chez l’oncle et la tante de Praxi-Blassans, dans les salons mêmes pleins de soldats magnifiques, de dames ou de reines qui brillaient à tous les plis de leurs robes, à tous les joyaux de leurs cous. Puis Denise recevait en cadeau tant de poupées ! S’il acceptait la tante Malvina pour deuxième mère, comme Denise avait élu sa tante Aurélie, Omer ne recevrait