Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/333

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sent de ses études, la profession de ses parents, son âge et celui de sa sœur, ils lui tirèrent tous ces renseignements et mille autres accessoires, pour le prix d’une poignée de cerises. Au bout de ses mitaines, la femme avait des doigts courts, ridés, et des ongles noirs. Sa poitrine, qu’Omer sentit, en un moment où elle se baissa, fleurait la cotonnade sous l’odeur poussiéreuse de la mousseline. La pommade qui graissait les boucles de sa coiffure était rance. Elle parlait à Omer comme une maman ou comme une tante à un petit garçon.

Pour les tenir en respect, il nomma le comte de Praxi-Blassans, pair de France, et l’oncle Augustin, qui venait d’être promu général commandant la légion de la Meurthe. Aussitôt, ils se regardèrent avec des « oh ! » et des « ah ! » déférents.

― Je le disais bien aussi qu’à vous voir, on était susceptible de penser que vous étiez un fils de famille !… En voulez-vous encore des cerises ? Prenez-les. Ça me ferait honneur !

Omer dut accepter, par crainte de paraître vaniteux. Mais le mari, devenu grave, s’enquit de l’influence dévolue au comte de Praxi-Blassans, l’exagéra, puis conta des histoires. Associé de son beau-père, il tenait à Reims un magasin de nouveautés, avec voiture de marchandises, et deux chevaux à l’écurie : il montait l’un tous les dimanches, ce qui justifiait le port des éperons. Il revenait d’Amiens, après la commande annuelle de « velours pleins ». D’Arras, il rapportait plusieurs pièces de dentelles destinées aux dames de la magistrature et de la noblesse champenoises. Quelques-unes de celles-ci payaient mal, insinua-t-il par circonlocutions pleines d’une respectueuse indulgence. Et il sollicita l’apostille du pair de France pour une lettre circulaire invitant chaque débitrice à s’acquitter envers la boutique de falbalas. Le comte de Praxi-Blas-