Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/346

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tapis. La foule se prosterna. Les cloches et les chœurs des moines se répondirent ; et puis la procession reprit sa marche, livrant à la diligence le passage dans la cité. Omer vénérait le pouvoir des prêtres sur les peuples.

Au terme du voyage, sa mère l’embrassa, chaude, éplorée, disant :

― Je t’ai tout écrit dans mes lettres. Je ne veux plus, ici, qu’aimer mon fils…

Le bisaïeul attendait sur le perron, avec la même face vieille, énorme et lourde, que six ans n’avaient pas changée. Du général Lyrisse, envoyé à Saumur pour une inspection militaire, il ne restait plus qu’un portrait : un portrait de veneur, jeune, en habit de cheval haut boutonné sur sa personne étique. Il y eut des effusions. Médor sautait pour atteindre de sa langue la figure du maître. Céline étreignit « son enfant » ; et sa grosse figure s’illumina.

Échappé à la police autrichienne, l’oncle Edme voyageait toujours, mystérieusement, peut-être en Grèce, à moins qu’il ne fût au port de la Rochelle.

Assis enfin dans le salon des colonnes, un peu plus sali, un peu plus fendillé, Omer vit comment bâillait, entre la semelle et l’empeigne, une chaussure de sa mère.

― Tu regardes mes souliers, hein ?… Figure-toi que j’ai donné les écus de ma bourse à un bon dominicain qui n’a pas de quoi mettre des vitraux à sa chapelle…, et je comptais sur un fermage qui ne rentre pas… Bah ! C’est une petite misère de quelques jours.

Le bisaïeul haussa les épaules. Omer répondit aux gestes navrés de Céline. La dévotion ruinait donc maman Virginie ! Confuse, elle baissa la tête, puis éplucha le mérinos de sa robe ternie.

Omer se navra fort. Sa mère était là, grosse du ventre, plate de la poitrine, maigre du cou, des mains : on eût dit une de ces religieuses du tiers ordre, qui