Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/35

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porte-malle, afin de recueillir le jeune voyageur. En outre, le chasseur galonné veillait au milieu du siège, par devant.

D’autre part, Malvina savait paraître très belle dans le velours orange de sa redingote ; la doublure et les bords d’hermine s’épanchaient royalement. Un coqueluchon de même fourrure encadrait la tête blonde et prête à rire des cavaliers la saluant au large, le long des boulevards, ou bien à Longchamps. Leurs charivaris de breloques pendues à la ceinture offraient des motifs admirables de surprise, quand ces gentilshommes s’attardaient le long de la portière, au pas de leurs coursiers, pour quelques propos. Petits poissons d’or articulés, pantins de pierres précieuses, montres à paysages d’émail, flacons d’argent guilloché, fleurs d’ivoire et de nacre, Omer eût voulu les saisir. Mais, sur ce point, la sévérité de tante Malvina ne fléchissait guère. Il fallait se tenir sage. D’ailleurs, ils en imposaient par le prestige de leurs habits bruns sanglés jusqu’à la cravate, sur deux rangs de boutons métalliques, et par leurs culottes collant à toutes les formes des muscles. Plus beaux étaient les soldats, sous les grands bicornes. Des torsades de brandebourgs, des cols brodés en or, des revers d’habits écarlates ou jaunes, des bottes à l’écuyère, des aiguillettes brillantes les distinguaient des hommes. Omer n’ignorait pas qu’ils triomphaient du monde. À remarquer leur soudaine gentillesse à son égard, quand Malvina le désignait pour le fils du colonel Héricourt, il espéra confusément participer de leur nature semi-divine.

Au nom du colonel, un mystère dangereux obligeait chacun à parler bas. Omer se posait néanmoins une question. Mourir, n’était-ce pas l’aveu de la défaite ? Un plus fort a terrassé, vaincu. Les vrais triomphants vivent. Ils passent à cheval dans les promenades pu-