Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/362

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un fait, et je puis le dire aujourd’hui, contre l’opinion générale. Sais-tu combien nous étions, pour mener Paris ? Cinq mille à peine, conventionnels, journalistes, pamphlétaires, généraux et sans-culottes. Et nous avons fait trembler vingt ans le monde… et nous le ferons trembler demain, encore. Que la foule parût nombreuse, comme au massacre de septembre : c’étaient les dix mille prostituées et malandrins de Paris qui se joignaient à l’émeute pour méfaire. Mais nous, les vrais juges du despotisme, nous n’étions pas cinq mille. Le reste se tenait coi. " oui, muses, vous avez vengé Hiram et Jacques Molay des rois et des barbares mérovingiens, vengé l’intelligence !… ah ! Petit, les larmes me viennent aux yeux quand j’y songe… l’idée devenue la force !… voilà ce que nous avons fait, nous, les vieux !… je me souviens : aux neuf-sœurs, il y eut un beau jour… le bénédictin Pernetty, fondateur de la loge illuminée du faubourg saint-Jacques, nous dicta et nous fit adopter les termes de la sommation qu’envoya le grand-Orient, sous la signature de Philippe, duc d’Orléans, grand maître de l’ordre, aux souverains d’Allemagne et à l’empereur Joseph Ii. Ce despote, effrayé de nos mouvements révolutionnaires, venait d’interdire la maçonnerie dans ses états. Le morceau d’architecture du bénédictin ordonnait, dans un style excellent, aux monarques initiés (et ils l’étaient presque tous) de se confédérer pour défendre les principes de notre assemblée nationale. " à la même heure, les deux cent quatre-vingt-deux villes maçonniques de France, les huit cents loges fêtaient, par des batteries d’allégresse, l’admission des deux frères du roi, ce Louis Xviii et le comte d’Artois, à l’orient de Versailles. Nous pouvions nous estimer maîtres de l’Europe. Ce fut un enthousiasme aussi beau que le jour où les neuf-sœurs s’installèrent rue saint-