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merait respectueusement, mais sans fléchir. La peur qu’inspirait le despotisme du comte ne se calma point durant ces résolutions. Le jeune homme n’avait pas reconquis l’aisance de respirer en mesure, quand la porte de la bibliothèque se referma derrière son dos. Dans la salle aux lambris bruns et aux tables contournées devant lesquelles écrivaient deux vieillards minables et deux petits clercs malingres, M. De Praxi-Blassans développait un portefeuille de cuir rouge ; il y classa des minutes diplomatiques.

― Je vous donne le bonjour ! ― cria-t-il. ― Patientez-là, je vous prie…

Plusieurs minutes s’écoulèrent. Le comte grommelait. Une pièce était perdue. Il gourmanda l’un des vieillards, qui lui répondit d’ailleurs aigrement :

― Si monsieur le comte m’avait remis le protocole, il y aurait mention de cette remise sur le reçu que je lui signe chaque fois.

Puis l’homme se moucha sans discrétion dans un lambeau bleu sali de tabac, et qu’il roula méthodiquement pour l’enfouir aux profondeurs de sa redingote usée. Le comte se démena entre des cartonniers qu’il ouvrit l’un après l’autre, au moyen d’une clé de son trousseau. Il portait ce matin-là, un habit et un gilet rougeâtre, des guêtres de toile bise à boutons de nacre qui lui montaient aux genoux.

― Sa majesté m’envoie à Vienne et à Vérone… Je pars tout à l’heure. Omer, il me reste bien peu de temps pour vos affaires. Enfin… Allons rue du Bac. Je vous présenterai. Faites en sorte d’être convenable. Vous n’omettrez point de reconnaître le cardinal Castiglioni, s’il vous regarde. Je n’aime pas votre timidité ni votre air de carême-prenant. Un cardinal est un homme pareil à vous et moi. Vos marques de déférences s’adressent à l’Église, qu’il représente, non pas à l’individu, qui est le pire faquin. Donnez-lui la révérence, mais hous-