Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/478

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en un rêve aimable, interrompu par une secousse : son domestique tirait la manche de sa chemise et l’avertissait du matin.

Après la leçon du manège, Omer traversa le pont, suivit les quais où les tondeurs de chiens disposaient leurs ustensiles, gagna la rue du Bac pleine de cris de Paris, qui proposèrent aux fenêtres la marée fraîche, les cartons à chapeaux, les billets de la loterie royale. Son cheval faillit bousculer un auvergnat que les ailes en cuir d’un large chapeau empêchaient de voir. Les deux seaux pleins brillaient aux bouts du joug affermi sur l’épaule : l’un s’épancha quelque peu ; l’homme jura. Les concierges expédiaient la poussière dans le ruisseau. Omer mena prudemment sa bête parmi les épluchures de carottes et d’oranges, les groupes de ménagères apportant leur pot devant la charrette du laitier, les disputes des balayeurs et les roues énormes des haquets charriant du charbon de bois, à la file. Fier de dominer le commun, il fut néanmoins satisfait de mettre pied à terre dans la cour de l’hôtel, sans avoir bousculé un seul piéton. À son habitude l’oncle Augustin le reçut dans son cabinet, le sourire sur ses lèvres moqueuses, et une main offerte, l’autre dans son habit de petite tenue.

― Je dînais hier avec Broussais chez le maréchal Soult. Le docteur prétend guérir les tumeurs dans le ventre. J’écris, ce matin, à Virginie de venir s’installer ici pour le temps de la médication… Trêve de remerciements ! On ne saurait moins faire. Je suis charmé de vous avoir ici l’un et l’autre ; et, si Broussais allège ce mal, j’en serai fort heureux. Au reste, ma maison a besoin de surveillance ; et j’aimerais que Virginie eût l’œil à mes comptes. Vous me passez cet égoïsme ?… Je ne fais rien pour rien, moi !

Il rit aimablement, demanda quelques détails sur le logis de son neveu, et plaisanta les coquines qui le