Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/480

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m’en consolerais difficilement… Je suis en correspondance avec votre bisaïeul. Il me mande souvent combien le chagrinent les nouvelles habitudes qu’on vous impose à Paris…

― Monsieur… j’étudierai le droit en même temps que la théologie. Plus tard, je donnerai la préférence à l’une ou l’autre des carrières qu’ouvrent ces deux sciences. Pour l’heure, des intérêts de famille m’obligent à la docilité envers mon tuteur. Enfin, par respect envers une malheureuse mère que mon impiété certaine désespérerait, je tiens à paraître m’éclairer sur les choses de la religion.

― Cela vous honore, monsieur… nonobstant, défiez-vous de vos maîtres, les jésuites… Lisez-vous un journal indépendant, parfois ? Savez-vous que les amis de la Congrégation, le procureur Marchangy et son substitut, préparent le plus atroce des crimes, la condamnation à la peine capitale de pauvres jeunes gens, des sous-officiers, coupables uniquement de chérir l’idéal pour lequel moururent leurs pères et grands-pères… C’est une infamie !

― Le jury se prêtera-t-il à un pareil attentat ?

― Hé ! pourquoi non ? Les hommes sont faibles. Ils briguent des faveurs. Ils sollicitent des places. Comment désobéir à ceux qui tiennent sous leur pouvoir occulte les ministres et le roi, qui les effrayent par la crainte des fanatiques, de l’impopularité, et par les souvenirs des excès de la Terreur ?… Ah ! monsieur, laissez-moi regretter que le fils de mon ancien colonel se soumette à de si rusés charlatans !

― Ce n’est pas l’effet de ma volonté seule. Et puis… à mon âge… peut-être a-t-on besoin de voir, de connaître, de comparer, avant de soutenir une opinion.

― À votre âge, monsieur, nous n’avions besoin que d’écouter battre notre cœur, pour suivre le drapeau de la République.