Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/502

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elle pas, si, m’ayant offert à goûter la splendeur de son corps, elle mettait ensuite au prix d’une forfaiture la reprise de nos voluptés !… quelle folie que l’espoir d’éprouver la vigueur de ses beaux membres sveltes ! Quel suave épanouissement de mon être si je savourais sa gorge digne de Cybèle !… et combien a-t-elle de visages ! Tantôt elle semble une petite fille inquiète et triste dans une chevelure abondante. Tantôt ses regards approfondissent l’âme, y fouillent et y déterrent de l’inconnu, comme ceux d’une sibylle antique devinant l’avenir des rois. Elle pleure soudain : et c’est la douleur tragique d’électre, toute la Grèce apparue entre ses mèches brunes. Elle incline sa figure : on se croit un enfant rose devant l’amour d’une jeune mère tendre, et délicatement attentive… elle paraît avoir tous les âges et toutes les passions. Cependant elle demeure elle-même, une beauté mate, un peu dure et près d’attendrir pourtant ; un ciel sur quoi passent les nuées de l’aube, de midi, du couchant du crépuscule et de la nuit… si j’ai tant vu d’elle, en cette rencontre, pendant quelques minutes, que ne découvre pas celui qu’elle aime, à toutes les heures du temps ?… " ah ! Je souffre. L’air m’oppresse… mon dieu ! Qu’il serait bon d’égorger son honneur, son avenir, sa loyauté, sa famille et sa patrie sur l’autel de cette volupté !… ce serait beau. Ce serait une noble sauvagerie. Ce serait une magnifique indépendance. Et quel mépris légitime des hommes affirmerait cette injure à leurs lois, à leur idéal, à leurs mensonges !… ah ! Je suis trop faible ! Et je suis vaincu… ma mère !… voilà les supplications de ma mère qui retentissent en moi… elle me veut chaste et prêtre pour ne pas mourir de désespoir. Et j’immole aussitôt mon rêve, mon désir, ma sincérité, mon enthousiasme… immole, immole donc, esclave débile de la pitié !… accepte la tonsure. Tourne-toi vers Dieu ! Sois le symbole des douleurs