Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/528

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chaleureusement la gloire de nos armes ? Il n’y a rien d’étonnant à ce que votre sœur aime la gloire aussi.

― Il y a d’autres gloires que la gloire militaire…

― Celle-là seule est impérissable qui s’inscrit avec le sang des batailles… Elle récompense le plus haut sacrifice que l’homme puisse faire, celui de la vie, pour une idée…

― Ou pour… quelques idées ! ― insinua froidement Aurélie, derrière ses mains collées à son visage.

― Personne ne saurait mettre en doute ma loyauté… Un soldat sert la patrie d’abord, les souverains ensuite. J’ai servi la France, qu’elle fût républicaine, impérialiste ou royaliste, parce que mon épée lui appartient avant d’appartenir à mes raisonnements… Sachez-le… Je n’ai pas, comme le comte de Praxi-Blassans, été voir d’abord à l’étranger qui payait le mieux les services, Condé ou le premier consul, pour me décider en faveur du plus puissant, avec l’intention de le trahir dans la suite ! Je n’ai pas acheté, un à un, les sénateurs, en avril 1814, pour le comte de Talleyrand !… Voilà ce que je n’ai pas fait, moi !

Le général marchait à grands pas. Ses éperons sonnèrent. Ses sourcils noirs se froncèrent vers ses cheveux argentés. Il laissa tout à coup sa fureur bondir.

― S’il s’agit d’honneur, je me contente du jugement de mes pairs, Soult, Oudinot, Marmont, Gouvion Saint-Cyr, Bourmont. De quel droit irez-vous contredire ces hommes généreux qui ont répandu leur sang par toute l’Europe ? De quel droit nierez-vous la rigueur de leurs consciences, vous, Aurélie, vous, la femme d’un diplomate retors qui, à ce moment même, trahit M. De Villèle pour M. Mathieu de Montmorency, avant qu’il perde celui-ci pour s’inféoder à M. De Chateaubriand, et qui mêle cet enfant à ses machinations auprès du Père Ronsin ?… Et, tenez, je n’insisterai pas. Je comprends trop pourquoi mon pauvre frère, qui était un soldat