Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/541

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entraves de la Loi garrottaient ses gestes. Il n’eût pas, lui, renié le vœu du père, même s’il se fût agi d’épouser la laide, l’acariâtre Delphine. Ne s’était-il pas soumis, pour l’honneur de ce vœu, aux remontrances du comte ; n’avait-il pas loyalement cessé d’écrire au capitaine Lyrisse ; n’avait-il pas renoncé à toute la fièvre amusante et belle des conspirateurs ?

Aujourd’hui cependant, l’acte de sa sœur le débarrassait des serments : rien n’empêchait qu’il sautât en selle, que d’un seul galop il gagnât Bayonne et l’Espagne constitutionnelle pour y combattre au milieu des carbonari, des demi-soldes, des chevaliers de la Liberté, contre les tyrans. Rien ne l’empêchait que peu de chose : l’allure pitoyable d’une pauvre veuve au visage incolore, contemplant son propre effroi de l’enfer, dans la solitude d’une église. Et cette malheureuse qu’aimaient seules la raison d’Omer, la pitié d’Omer, non ses instincts spontanés, cette malheureuse le retenait par des liens plus étroits que ceux des passions violentes ou des idées héroïques.


Au jour marqué pour l’exécution des quatre soldats de La Rochelle, jugeant sa mère trop triste dans le petit salon cramoisi de l’Allée des Veuves, où elle était venue se lamenter, Omer faillit ne point la quitter, si grand que fût son désir d’admirer les figures de ces hommes. Il avait lu dans les journaux les débats du procès, les fières réponses de Bories aux juges, l’odieux acharnement du ministère public contre des jeunes gens épris d’une liberté toute verbale, et qu’avait compromis l’unique tort du dîner avec le général Berton, après le complot avorté sur le pont de Saumur. Il prétendit voir, au passage, ces nobles faces et les plus vrais des héroïsmes, afin de leur jeter, si possible, un salut. Surtout il espéra que les dix mille carbonari de la capitale tenteraient les