Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/550

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avez terrassé mon orgueil ! Oui, vous me l’enseignez avec rudesse : ma nature hésitante et débile ne connaîtra jamais ni la vaillance ni l’amour. J’ai miré ma faiblesse au visage changeant d’Aquilina !

» Ô mon Dieu que vos desseins sont obscurs ! Sur ce chemin du supplice, pareil à celui, Seigneur, où vous portiez la croix, la Providence fait apparaître la figure de cette femme jetant une dernière fleur à son amant ; et je suis convaincu de mon insanité… Est-ce donc l’oraison de ma mère, l’oraison dite au loin, dans cette chapelle de Lorraine, qui m’a détourné de suivre l’inconnue ? Sans doute, votre divine volonté a jugé que ma faiblesse était impropre à endurer avec honneur les feux de la passion. Elle s’est servie de ma ruse soupçonneuse, de ma seule force, pour me faire connaître le néant de mon intelligence qui s’y fiait… Rien n’est sûr en moi, ni l’enthousiasme, ni l’énergie virile, ni l’amour, ni la ruse même. Ô mon Dieu, rien n’est véritable en moi que Dieu, que votre volonté !… Je servirai donc aveuglément votre puissance, Seigneur. Je vivrai donc sous l’habit du prêtre qui se prosterne dans la poussière, au pied de la croix… Car je sais maintenant que je ne suis rien… »

Les troupes rompirent leurs haies, se formèrent par quatre files. Le cortège n’était plus au loin qu’une masse de cavalerie s’éloignant à travers des flots humains. Des gens coururent pour revoir ailleurs les victimes.

― Monsieur, je vous salue, ― dit le commandant de Sorges. Je me félicite d’avoir rencontré le fils du colonel Héricourt, du célèbre dragon d’Austerlitz.

Omer balbutia sa réponse, effleura son cheval de l’éperon, et repassa le Pont au Change.

« Austerlitz ?… Je suis un enfant conçu dans la gloire d’Austerlitz, quand ma mère eut rejoint le vainqueur aux bivouacs de Moravie ? Je suis l’enfant d’Austerlitz, comme dit l’oncle Edme… Ah bien oui !… »