Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/60

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sait mieux de soi. Il goûtait en la compagnie de celle-ci ses fiertés, et de celle-là ses plaisirs. Cela l’eût intimidé que maman Virginie lui ingurgitât la soupe au lait. Avec Céline, il oubliait les mots de la prière ; il s’en distrayait presque complètement, les soirs de réception, quand Madame Héricourt demeurait au milieu des convives. Alors Jésus ne se divinisait point. Il restait un petit garçon qu’on négligeait pour le tic tac de la pendule, le pétillement du foyer, ou le ronron du chat Minos.

Dès le printemps, le Divin Fils récupéra, tout seul, le prestige de sa domination. En jupon tissé d’or, le chef couronné de diamants et la main tenant le sceptre, il apparut, au faîte du petit autel, sur le bras droit d’une sainte Vierge également couronnée de pierreries, vêtue d’une ample robe d’or et d’un manteau de velours : les instruments de la Passion y étaient brodés entre des cœurs flambants.

Au retour d’un pays lointain, l’Espagne, l’oncle Edme rapportait cette magnificence. Omer eut quelque peine à se souvenir que le voyageur était le frère de maman Virginie, le fils du grand-père Lyrisse ; mais il comprit mieux qu’il eût bataillé. Le capitaine de cavalerie souleva par la taille son neveu, le considéra longtemps, lui mit aux doigts le métal de sa dragonne. La mère aux joues pâles pleurait comme à l’ordinaire quand survenaient des visites. Grand-père Lyrisse parlait des chevaux qu’il achetait dans toute la Lorraine pour la remonte des régiments. Il embrassait son fils qui le nommait en riant : « Mon général ! »

Qu’ils étaient forts, ces parents ! Le casque du dragon fleurait à l’intérieur le cuir et le fer quand le petit, dedans, introduisait la tête, pour le rire de tous ; et la longue crinière traînait derrière lui sur le plancher. Les éperons cliquetaient sur les carreaux des