Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/66

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Molay crie contre eux… comme celui d’Hiram !

Ainsi hurla le parrain, tout droit hors du fauteuil. Sa canne fendait l’air. Il crachait les mots. Il chancelait sur ses grosses jambes boursouflées ; il piétinait obstinément le sol. L’oncle Edme récrimina :

― Il fallait m’écouter en 1806 ! Il fallait soutenir Oudet, les Philadelphes de Milan !… il fallait m’écouter en 1809, suivre Fouché et Bernadotte ! Nous serons châtiés avec notre maître ! Nous avons été les mauvais compagnons du temple ! Hélas ! maintenant, ce sont les fils des Illuminés allemands, les Amis de la Vertu, qui vont anéantir le nouvel assassin d’Hiram et la France avec lui !

Au bruit, la Picarde entra, recueillit Omer, l’emporta jusque dans la cour d’honneur.

L’ordonnance de l’oncle Edme y nettoyait une selle poudreuse, des mors ternis, des courroies sèches… Et il fredonnait :

 
Veillons au salut de l’Empire,
Veillons au maintien de nos droits ;
Si le despotisme conspire,
Conspirons la perte des rois !
Liberté, que tout mortel te rende hommage !
Tremblez, tyrans, vous allez expier vos forfaits.
Plutôt la mort que l’esclavage !
Les hommes libres sont français.

Omer s’amusa de le voir fourbir. Hors de ses mains, les anneaux glissaient brillants et magnifiques. Le gland du bonnet de police rabattu dansait contre son oreille.

― Partez-vous aussi, Monsieur Omer ? ― demanda-t-il. ― Faut venir, donc ! Je vous tiendrai tout votre fourniment bien propre, vous savez… Et puis nous allons loin cette fois, mam’selle Céline !… on dit que le Petit Tondu, il nous emmène chez le Grand Mogol,