Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/68

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III

Quand furent partis le capitaine et le général dans la chaise de poste raccommodée par le charron, repeinte, tout éblouissante de ses roues neuves ; quand l’ordonnance du grand-père eut éperonné la jument géante ; quand le bruit des grelots et du fouet se fut éteint, maman Virginie demeura, toute une matinée, assise sur les marches du perron, à larmoyer. Omer s’ennuyait bien. Le ciel bas frôlait les murailles de verdure, le long du parc. Le vent poussait des nuages lourds, inclinait les branches, éparpillait les feuilles jusqu’aux vitres de la maison blafarde. Les ardoises s’envolaient du toit. Aux premières gouttes de pluie, le bisaïeul vint relever la pleureuse et la consoler en ses bras. L’orage tonnait dans le lointain.

Puis des saisons passèrent ; et la maison fut morose. Le vieillard s’acharna mieux encore à l’éducation du descendant. Seul le chien Médor égayait de ses abois, de sa queue battante, de ses ruses pour pénétrer dans la cuisine, puis ressortir, la gueule pleine, en fuyant les coups du torchon que brandissait la cuisinière injurieuse. Hirsute et roux, l’audacieux chassait les merles des taillis ; il réussissait presque à les atteindre en bondissant à la manière d’une bête ailée. Il effarouchait le vol tumultueux des canards. Le pleur discret de ses narines appelait par les fentes des portes lorsqu’on oubliait la promenade. Il osait franchir les plates-bandes.