Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/93

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distinguait maintenant les mêmes traînées pourpres. La bête revint à Mme Héricourt, qui l’attira : ― où est-ce ? Où est-ce ? Médor se débattait sur le dos, en agitant ses grosses pattes rousses. L’inquiétude effarait ses yeux d’or. Sa langue dégouttait de sang et il teignait, autour de lui, la terre, l’herbe, les feuilles d’un arbuste. ― c’est à la patte. Un tesson l’aura entaillée, sans doute. Donne ton mouchoir, Omer… vite ! En effet la blessure lançait, par intermittences, un jet vif et vermeil. Maman Virginie se jetait à genoux pour serrer le mouchoir au-dessus ; et le mouchoir aussitôt devint une loque écarlate… la bête ne geignait pas. Elle pantelait en silence, couchée ainsi qu’un homme, et sa robuste poitrine fauve, ses cuisses blondes, ses pattes rousses, restaient immobiles : elle avait confiance en sa maîtresse qui la pansait. Cela semblait étrange, non terrible à l’animal ; il s’épouvantait moins qu’Omer, que maman Virginie. Ses bons yeux d’or guettaient les gestes dont il eût voulu deviner la signification. Mais le sang ne cessait de jaillir, coup sur coup. La robe se tachait d’éclaboussures, et les mains de Mme Héricourt aussi. ― pauvre bête !… pauvre Médor ?… comment faire ? La maison est loin ! Elle enveloppait de son fichu la patte, et serrait davantage. Une douleur fit se redresser le chien tout à coup. Il apparut droit, grand comme la mère qui le maintenait, et le poil rougi, et la langue sanglante… puis, d’un effort, il se débarrassa, s’enfuit, semant des flaques marquant le terrain de ses traces. Il croyait maintenant que la douleur était une punition infligée par les maîtres : car, la queue basse, les oreilles abattues, il fuyait éperdument. ― courons ! ― dit la mère. ― tu me rejoindras… alerte,