Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/97

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Latour-Maubourg ramenant à peine quinze cents des trente-sept mille cavaliers qui avaient franchi le Niemen, au printemps.

Les Cosaques avaient poursuivi la tante depuis Krasnoïé jusqu’aux avant-postes de Gouvion Saint-Cyr, sur la Dwina. Elle leur avait échappé, grâce à la vitesse de son traîneau et des coursiers moscovites achetés après la bataille de Borodino, par chance, à des voltigeurs qui les avaient conquis de bonne prise sur un état-major russe… Heureusement, elle n’avait même pas gardé les chevaux à Smolensk. Ils eussent été dévorés par les soldats du duc de Bellune ; car, à la fin du siège, les rues étaient pleines de squelettes d’animaux rongés jusqu’aux moelles par la famine des troupes… Prévoyante, elle avait mis les bêtes en pâture à cinq lieues de là, pour qu’elles regagnassent du poil et de la mine, pour que leurs écorchures se pussent cicatriser, parmi les postières réquisitionnées que l’on soignait précieusement afin de remonter l’artillerie de la garde… Par bonheur ! Sans quoi, les Baskirs l’eussent rejointe, dépouillée, outragée, tuée sans doute ? Et Augustin ! Où était-il maintenant… Grand Dieu ! À plusieurs reprises, elle fondit en larmes ; elle étalait un mouchoir sale, mouillé, à tordre, et ses belles mains se crispaient, crasseuses…

Omer entendait confusément ; il la regardait, elle, puis sa mère qui interrogeait avidement sur le sort d’Edme, puis le parrain qui, debout, tremblait de toute sa taille sur les boursouflures de ses jambes.

L’oncle Edme, croyait-on, devait être alors dans les hôpitaux de Smolensk. Il n’avait que de fortes écorchures et des douleurs dans la poitrine. Mieux valait cela qu’une blessure, car faute de linge, les chirurgiens bandaient les membres avec les parchemins trouvés aux archives de la ville.

À ces mots, maman Virginie leva les mains au ciel.