Page:Adam - La Force (1899).djvu/21

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nait. La chose se continuait en ridicule entrevue de goujats assemblés pour une bagarre de la rue.

Auscher cependant saisit par le canon sa carabine. Avec la crosse, il frappa de toute sa vigueur la herse de baïonnettes. Deux autres l'imitèrent. Héricourt vit les fantassins ébranlés se soutenir de l'épaule. Leurs exsangues. Au choc, les fusils baissaient, puis se relevaient. Enfin une baïonnette toucha la terre, et le sabre d'Hermenthal rapidement lancé coupa la jugulaire du bonnet à poil. Les fantassins blèmirent. Leurs yeux grossirent sous les sourcils. Les narines se pincèrent. Ils grinçaient des dents. Les narines se pincèrent. Ils grinçaient des dents. Les maxilliaires bossuaient les joues. Derrière eux, le junker appuya sur les crosses des fusils.

Bernard s'étonna de prendre le parti des Autrichiens. Il craignit pour eux. Leurs poings allaient faiblir, les fusils échapper. Alors les hozards, dispersant le demicercle rompu, trouveraient les ventres, tailladeraient les figures, fendraient les têtes. A l'avance, il s'épouventa du premier sang qui rougirait une poitrine blanche ; la vision de la mort vieillisait déjà les faces bises des fantassins. Ils nosèrent pas bouger, de peur que la herse ouverte laissât passer un sabre ; et d'ailleurs les houzards, très maîtres de leurs chevaux, évitaient les rares coups lancés par un impatient. Le maréchal des logis regardait la scène, d'une âme étrangère. Il ne reconnaisaient plus son courage. La besogne d'abattre à coups de crosse un homme et de le saigner ensuite pour en conquérir le pain ne lui donnait pas l'ivresse de la charge ni l'attente de la gloire.

Mais, pareil à un maçon joyeux de démolir, Auscher avec la crosse de sa carabine, piocha le mur de baïonnettes. Rouge, excité, farceur, il poussait des « han » suivies de rire quand fléchissait le fusil. Dans l'attitude narquoise d'un qui s'apprête pour chatouiller à l'impro