Page:Adam - La mésaventure, La Revue indépendante, Juin 1888.djvu/13

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— Quitte cette femme, cette impureté, reviens à Ibrahim. Écoute : je te chanterai les chansons du douar que tu aimais ; et je marcherai devant ta monture et les peuples s’inclineront devant toi. Viens.

— Brute !

— Écoute, je te conduirai à la Mecque, tu toucheras là Pierre, dussé-je subir l’enfer, tu dormiras dans la Ville Sainte que jamais ne souilla le regard des roumis.

… Allah ! comment cette fille impure a-t-elle su prendre ton cœur de guerrier. Tu étais vaillant autrefois et tu tenais ta parole loyale. Pourquoi mens-tu comme une vieille femme aujourd’hui. Elle a prostitué son visage aux hommes avant que tu l’aies vue le premier jour. Moi, mon bras est vaillant, je t’ai délivré de la mort, j’ai tué tes ennemis. Quel sacrifice a-t-elle accompli pour toi ?… Écoute. Par Allah ! Écoute… Le chef t’a ordonné le mariage dans le mois, parce que les hommes de la caserne raillaient notre amour, parce que dans ta nation il est infâme d’aimer les mâles. Bien. Alors tu as juré que tu ne consommerais pas l’union, que tu resterais à moi seul, tu l’as juré ? Aujourd’hui : soit. Laisse cette impureté, laisse cette souillure. Tu as obéi aux chefs, obéis-moi ; parce que je suis ton maître en ceci.

— Oh sortez. Allez. Tous les deux allez. Pour l’amour de Dieu. Allez à jamais. Vous m’êtes immondes. Ne me touchez pas ! Allez, allez…

Ainsi criante, ainsi gesticulante, Eva, géhennée de douleur et de sanglots s’effondre, véridique tragédienne, après avoir poussé le verrou sur le traître véridique.