Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/105

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100 ma smwsxr Nom ragoûts ou des crèmes. Presente—t—on des fruits frais? Je prie qu’on me les échaude. Ces exigences agacent un peu mes hôtes, mais les obligent à me satisfaire. Je fais le monsieur qui se permet d’être impudent, et qui, sans doute, se le peut permettre, pour des rai- sons secrètes mais certaines. On attend que je révèle les mérites qui m’ont autorisé a me différencier du vulgaire, et a prendre la coutume de Pimportuner délibérément. Cela prépare les convives à la défé- rence envers moi. Le soin de paraître goujat ne peut dénoncer, chez celui qui s`en—targue, que l`habitude d’ètre assez puissant pour imposer a tous sa gros- sièreté. Si fine que soit madame Hélène je luien tisaccroire. A la lin du déjeuner, elle devint, pour moi, curieuse, attentive, malveillante et jalouse. Or la jalousie implique la reconnaissance d’une force supérieure. .l’étais, à son avis, une force détestable, mais supé- rieure. Elle estimait judicieux de me railler, en apparence, et de me craindre au fond. Le contraste entre ma désinvolture et mes élégances, entre les excès de mon sans—gêne et les ressources de mon savoir, I‘inquiétaient. Fatalenient elle pensait à moi. Tout l’après—midi, comme la chaleur empêchait la promenade, je parlai allègrement de Nietzsche, de sa doctrine, des méprises qu’elle suscite. Je multipliai les citations. Goulven, qui devait, jusqu`alors, régen- ter l’intelligence du groupe, fut réduit au silence. Il ignorait trop Nietzsche. Madame Hélène espéra s’ins- truire sur ce moraliste sans avoir à lire attentivement de lourds volumes germaniques. M’écouter lui plut. Je mc félicitai de la tenir près de moi, patiente et sage, dans un fauteuil d’osie·r, sur la terrasse. Brunie