cruelles en réalité. Les mines disaient : « Ah ! ah ! voilà un gaillard adroit et qui nous a roulés… Bravo, ma foi ! Très fort ! très fort !… Mais, mon brave homme, on ne te payera pas toujours des châteaux en Touraine ; nous te le ferons bien voir !… » Cela, les épaules le signifiaient en se haussant, les rides des pattes d’oie en se plissant, les phalanges goutteuses en tambourinant sur le papier des sous-mains, ou en maniant des crayons aigus ; cela, les lèvres sèches, incolores et minces le signifièrent, en contenant les manifestations d’un scepticisme cordial et amusé.
Bref, quelqu’un proposa de nommer incontinent la commission à laquelle se confierait M. l’agent général, puisque sa délicatesse ne souffrait point de trahir quelque secret, peut-être galant. L’humoriste qui parla de manière gracieuse, les mains tendues et la barbe en éventail, mérita qu’une espiéglerie modérée l’applaudit unanimement. C’était de mauvais augure pour cet infortuné Guichardot qui crut devoir rire, lui, tout à fait, en écarquillant sa large face flamande et rebondie.
Aussitôt les voix désignèrent le vieillard aigre, son voisin prudent et moi-même pour former le triumvirat. C’était assez dire qu’on jetait la victime aux bêtes féroces. Là-dessus, on recula brusquement les fauteuils et on se poussa vers le vestiaire. Le tumulte obligea le Président à lever la séance.
Cela se passait un lundi. Tous trois nous décidâmes d’entendre M. Guichardot le samedi suivant. Il nous pria d’avancer le jour de l’entrevue. Le vieillard s’y voulut opposer, alléguant des rendez-vous qu’il avait pris. Il trouva même très singulière cette insistance de la part d’un homme en si mauvaise posture. Guichardot parut ne pas saisir l’allusion. De l’air le plus aimable,