Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/144

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par l’étalage cynique de mes thèses. Aussi, pour rassurer le docteur, sans désobliger mes ardentes interlocutrices, je m’inclinai devant elles en manière d’adieu, puis :

— Mais je supporte, nous supportons très bien que Goulven demeure dans sa chère Bretagne, en travailleur héroïque et silencieux. Quand il aura soixante ans, le monde reconnaîtra la valeur de son génie jus- qu’alors obscur!... D’abord, pourquoi veux-tu triompher tout de suite?

- Pour sauver des milliers de vies que le typhus dévore à. toute heure! — prêcha Mme Goulven.

- Ca n’intéresse que fort peu de gens, cette sensibilité-là.... ·Mais oui, fort peu... Sauf les malades... Et puisqu’ils ignorent ton remède!...

— C’est a vous, monsieur, qu’appartient la mission... — ânonna timidement la femme du docteur.

— Je ne me charge pas d’une mission. Je n’ai pas l’étofTe d’un apôtre, moi. Je suis un humble courtier. J’examine les chances d’une affaire. Or, les chances- de réussite sont diminuées par toutes ces antipathies.

— Eh bien! — gémit Goulven, — je ne me savais

pas redoutable au point de mettre en émoi tant d’adversaires...

Il se leva, s’étira, puis fut regarder la mer, qui cahotait les lourdes barques, leurs voiles transformées en abris, contre l’averse persistante. Le vent ébranla les portes et les vitres de la maison.

— Mais enfin, monsieur Guichardot, dites-moi : il n’y aura donc point d`honnétes gens pour le defendre- contre cette cabale?

— Il y en aura, Mme Goulven, il y en aura. Seulement, ceux que vous appelez les honnêtes gens n’ont