Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/225

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I 2*20 LE SERPENT Nom donner le change en jouant l’innocence d’un homme simple qui n’eût point découvert, en mes plaisan- teries, des allusions à peu près directes? Il parut s’acoquiner à ce genre d’hypocrisie. D’ailleurs, la jolie veuve imita cette sotte tactique. Elle affecla ` d’enjoliver mille phrases relatives aux aspects de la côte que nous longeâmes par monts et par vaux, afin de gagner l’endr0it ou Mm G-oulven et Anne-Marie devaient nous rejoindre, avec la voiture chargée d’un lunch plantureux; car nul chemin praticable aux véhicules ne borde la corniche avancée sur la mer. entre l’Apothicairerie et Port-Donnant. Madame Hé- , léne ne cessa point de prodiguer sa rhétorique pour Mm La Revellière et pour moi, dans l’intention de nie faire accroire qu’elle ne réservait pâs cette faveur au seul G-oulven, et que je m’étais `mépris si je l’avais crue désireuse de le charmer par une telle verve. _ Elle improvisa des métaphores pour nous chanter les ondulations de la lande déserte, piquée de bruyeres roses, semée de coquillages minuscules, tapissée d’a- joncs drus, déprimée en vallons secrets, bossuée en monticules où s’élevait le vol silencieux des courlis. Notre amie compara les schistes à des vagues grises figées tout à coupdans leurs élans, leurs apogées, leurs oscillations et leurs chutes, pour former un rem- part indéfini, surplombant, de quarante mètres, les marbrures variables de l’eau verte, les mouvements du flux au pied des promontoires caverneux, et les ` plaines scintillantes de la mer. Madame llélene célébre les eaux, leurs moirures de lumière et d’ombre que dispensait une horde géante de nuages surgis dans la coupole incolore du firmament, avec des gestes de _ colosses sculptés, ou des profils lointains dc monta- .