Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

-316 LE SERPENT Nom proue disjoignit ses jades mobiles, évita ses cou- rants huileux, contourna ses tourbillons sournois, longea ses rives abruptes, souveraines dans le·ciel, 'hérissées de hêtres, de sapins, ponctuées de châteaux fantastiques que bordait l’or du soleil descendu. Contente d'avoir eu l’audace utile a son dessein, la veuve discourut avecîfeu. Elle chanta les sinuosités -de la rivière somptueuse, les lumières et les ombres qui répartissaient les nuances dans les bois, qui frévélaient ou cachaient les fleurs des clairières, qui éclairaient ou bien assombrissaient les profondeurs liquides. Son geste dessina les sites. Il indiquait les colorations. Il unissait le ciel d’orfroi et le fleuve de moire avec les velours des futaies et les blan- ·cheurs des hameaux. La voix mélodieuse analysait les richesses de la région. Puis elle les totalisait pour apprendre à Gilberte la vénération de la beauté une. Goulven l'écoutait, bien qu’usant de prudence il se tînt près de sa femme, et lui parlât avec ten- dresse. Sans doute le chagrin qu’elle avait le désola sincèrement. Par des phrases affectueuses, il la rassu- .rait. Mais tout son être penchait vers la‘ voix de la sirene ; mais toute son attention était ravie par cette emphase élégante qui l’obligeait à découvrir des tre- ·sors féeriques dans les appar'ences naguère atones, pour lui, de la nature. C’était l’univers qu’il recevait en présent de, son amie, depuis des mois; l’univers —et ses splendeurs longtemps omises par un savant anxieux de ses calculs. Car le dieu de sa femme n’avait pu l’émerveiller comme le Pan de cette prê· _ ütresse venue des villes luxurieuses, pour un aposto- lat. Et, le cœur palpitant, la cervelle ivre dans l’espoir