Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/367

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milliers de vies qu’eût sauvées ton sérum aux pleurnicheries de l’alcôve conjugale…, si c’est la ton opinion !… Opinion fort peu digne de ton caractere, ma foi ! Lamarck, Darwin et Spencer te condamnent… Moi, je m’en lave les mains,… si tant est que je puisse me laver les mains devant un malheur qui privera les sociétés savantes de ta découverte, et tes amis de ton existence ; car tu n’ignores pas ce que préparent les atonies du cœur, mon cher, à un organisme surmené.

J’étais cruel. Il ne répondit rien. Mme Goulven nous rejoignait avec la bougie et la clef. Comme je proposais de faire, au matin, de bonne heure, l’exploration de Quimper, elle nous pria de la venir chercher à la cathédrale, passé la messe de huit heures, après la communion. Vers dix heures, elle se promettait de rendre visite au coadjuteur de l’évêque, subtil théologien à ce qu’elle dit. Selon les graves inflexions de sa voix, je ne doutai point qu’elle n’allât s’enquérir auprès de lui, et lui soumettre le cas de conscience. Donc sa résolution n’était pas encore prise. Elle hésitait.

Je leur souhaitai le bonsoir. Je songeai au sommeil improbable de cette amoureuse, et à l’insomnie qu’elle procurerait à son époux en le harcelant de lamentations. Cette martyre aurait-elle, enfin, le coupage de son martyre ?

Je ne la plaignais qu’a demi, Les dévots n’ont-ils pas toujours estime qu’une douleur vertueuse, discrète, sous l’oeil de Dieu, est un sûr moyen de salut ? Fidèle à la morale comptable des religions, Mme Goulven savait probablement mettre en balance le profit céleste et la perte humaine. Elle n’était pas sans consolation efficiente.