Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/393

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conduits au tombeau par un squelette ménétrier.

Il n’savait pas nager,
Et la mort l’a-a mangé !

continuèrent les voix tendres, maladroites, des fileuses. Dans la fumée noire du bateau, que rabattait le vent, monta le son placide. ll·s’en alla plus haut que les pointes des mâts obliques, jusqu’au pâle zénith...

Avec les jeux de la mort, l’àme bretonne a composé les strophes mêmes de ses plaisirs, tant elle demeure , fidèle au terrible Ankou, qui la rend veuve quotidiennement.

Par hasard, au milieu de ces filles, l’une offrait le plus beau visage de madone. Son corsage de drap bis, largement bordé de noir, serrait une taille noble, des, épaules souples. Autour d’elle, les garçons rivalisaient de lazzi. Fière de régner sur leur attention, elle chanta, les dents rieuses:

Il n’savait pas nager,
Et la mort l’a-a mangé !

Du haut de la passerelle, nous la contemplions_ comme la seule forme vivante digne dc cette ‘mer majestueuse, de ce ciel pourpre, vert et bleu, qui enveloppaient l’effort haletant de notre vaisseau, dans leurs odeurs_ saines et leurs couleurs sublimes. La fille de l’Armor psalmodia, .de sa voix douce le distique. Pres de nous, le docteur fredonnait avec la deuxième partie du chœur :

Il n’savait pas nager,
Et la mort l’a-a mangé !