deuxième fois, cette génisse bretonne me rapportait de la salade insuffisamment assaisonnée, en dépit de mes objurgations légitimes et payantes. Mme La Revellière défendit la bonne qui avait « tant à faire » · et ne savait, la pauvre fille, où « donner de la tête ! » Moi, cependant, j’exigeais ma salade à point. Mon estomac s’accommode médiocrement de doses fantaisistes. Je représentai tout haut, prenant à témoin les convives des deux tables, que le fait de manger dans le Finistère, au milieu de pèlerins loyaux, n’impliquait pas la nécessité de mettre à mal nos organes, par esprit de mortification. La petite servante ne put s’empêcher de pleurer. Deux larmes vinrent voiler ses yeux niais, pendant que l’ainée barbue des sœurs aubergistes la poussait vers la cuisine en l’injuriant tout bas.
— Ne vous tenez pas en dehors de ce peuple, monsieur ! Vivez plutôt quelques heures la vie de ce peuple ! — me conseilla madame Hélène. — Sans quoi, vous perdrez la chance de vous accroître de ses goûts et de ses pensées.
— Mais oui ! — ajouta Mme Goulven. — Vous perdriez à juger nos Celtes selon votre esprit parisien. Ils méritent qu’on examine leurs âmes.
— Il est temps de pénétrer dans la basilique, — assura Jean Goulven, qui achevait sa portion de compote.
Déjà les prêtres, debout, faisaient le signe de croix en bredouillant les grâces. Une vieille dîneuse et deux adolescentes que couronnait la haute coiffe de Locronan s’attardaient seules à grignoter des amandes. De maigres mères avalaient en hâte le café sur lequel soufflaient leurs enfants pâlotes. Toute une