Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/65

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gouement qu’ils suscitent. `Madame Hélène, elle, prenait au sérieux cette collaboration magique du prêtre et du médecin. Elle ladefendait contre 1 scepticisme trop net et un peu borné de sa belle~mere, qui en était aux tournures d’espri·t ’introduites dans l'aristocratie bourgeoise par les disciples du positivisme. Goulven n’eut guère de peine à lui démontrer que si la fontaine miraculeuse de Sainte-Anne était véritablement inefficace, le peuple celte se fût lassé, en deux siècles, d’y venir puiser.

La multitude augmentait encore. Les individus s”unissaient. Les familles se confondaient et s’embrassaient. Les groupes saggloméraient autour de personnages taciturnes qui marchaient, le parapluie sous un bras, la miche sous l’autre. Les paroisses se formaient pour un cortège. Les femmes ornées de coiffes pareilles, se rangeaient comme les hommes parés des mêmes vestes à la Watteau, noires, bleues ou blanches, couleurs gaëliques. Plus criardes, les marchandes offraient les pains, les scapulaires, les sardines grillées, les images saintes, les pâtés et les rosaires de leurs baraques. La masse en mouvement nous étreignit dans ses méandres. Choquée par le son de ses propres jaseries qui détonait dans le grave murmure du peuple en piété, madame Hélène interrompit ses remarques de dilettante. J'appreciai qu’elle rougit de son bavardage et s"en offensàt, mécontente d’elle~même. Elle eut un moment de beaute pudique tout a fait adorable, quand, sur le visage de Goulven, elle eut déchiffré un blâme moqueur. Ensuite, elle nous dit tout bas que cette nation pen- sait en dedans, et ne livrait rien de ses réflexions. Les seuls propos entendus autour de nous, depuis la