74 LE SERPENT Nom Quand,à travers les vapeurs moins denses, la terre se révéla tout entière, allongée dans l’écume de l’Océan, la distance d’émeraude et d’argent liquide ne tarda plus a se rétrécir. Bientôt nous distinguames les cubes éclairés des maisons. Puis une ligne de sapins majestueux se dessina nettement au,sommet d’un plateau. En bas, deux tourelles blanches élèvent leurs phares au bout des môles. Ils embrassent le port empli de ces lourdes barques. Les mâts innom- brables cachent presque les maisons du boulevard maritime, les cheminées jaunes des vapeurs amarrés ` le long des quais, les roches où s’érigent les remparts · angulaires de la citadelle. Et de mêmes barques en foule se dirigeaient là. Notre hélice rejetait sur elles les flocons du remous que son mouvement produisait. Nous ralentîmes l’al- lure pour ne pas heurter leurs avirons lents, leurs coques sans beauprés, ni les basses vergues de leurs voiles pesantes. Dans chacune je reconnaissais les types entrevus parmi les pèlerins de Sainte-Anne- d’Auray, ces figures d’autrefois, ces visages glabres des croisades, ces têtes de routiers historiques à qui manquait seulement la cotte de mailles par-dessus les breves camisoles couleur de buiïleteries. Au moment de pénétrer dans le port, les voiles brunes s’abattaientle long des mâts. Toute cette flotte au moyen âge s‘entassait au cœur du Palais, ville pareille a celles de Flandre que Vauban fortiüa pour les mousquetaires du xv11° siècle. Ces matelots du x1v" envahirent la petite cité plantée d’arbres en ligne le long du canal. Je débarquai mo_i—même pour prendre place, avec mes bagages, dans une voiture a rideaux de cuir, dont le modèle primitif avait été inauguré
Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/79
Apparence