Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/18

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de soie rouge, entre lesquels une image exposait un cheval blanc sous un homme.

― Tu vois, mon gros fieu, ch’est l’impéreur Napolion !… là l’impéreur, dis… Vive l’Impéreur ! »

Ainsi le nom du maître s’associait à l’impression d’un bruit splendide et joyeux qui vibrait aux oreilles, au cœur, au ventre, qui s’élançait vers le ciel de juin, et les lumières radieuses. Pendu à la main de la Picarde, Omer écouta longtemps sa nouvelle idée dont les harmonies, là-bas, finissaient de décroître.

Ensuite, il examina les lorgnons braqués aux visages des dames, il voulut se rappeler des souvenirs concernant les yeux mobiles que les mains plaçaient, déplaçaient. Mais alors parurent les gerbes d’eau jaillies au centre du bassin. La Picarde l’entraîna. Les rides de la surface le réjouirent ; et surtout les canards se détournant à sa vue, parce qu’il brandissait une arme audacieuse, le bâton du cerceau. Une explosion d’orgueil intérieur exagéra la force de son rire. Elles fuyaient sa victoire, les bêtes ! Leurs courtes queues frétillaient d’effroi sûrement. Poursuivre, dompter, vaincre. Tout un désir l’exalta, titubant, et il se penchait sur la margelle, avec des cris de chasse.

― Ce moutard, c’est donc le fils du colonel, plaisantait une lourde voix.

Boucles de métal aux souliers, bas blancs, culotte jaune, habit bleu chevronné d’or, bicorne en bataille, et pompon écarlate, un soldat causait avec Céline. Chatouilleuse, elle le repoussa du coude.

Omer se devina plus libre. Tandis qu’anxieux de réussir, il levait le bâton sur la queue du canard inattentif et béat au soleil, la main de la bonne, mieux occupée là haut, s’amollissait, le suivait, fléchissante.

Chasseur, il asséna le coup. Ailes claquantes, flaques jaillies aux yeux, essor éperdu ; l’enfant sentit choir son propre poids, giflé par l’eau, éclaboussé. Ses bras